Slam grégorien pour salle des profs en trance
Dans une villa qui ressemble à un théâtre abandonné, entre piles de copies et rituels pédagogiques, une figure s’élève : **la Prof miraculeuse**. Ni sainte ni sorcière, elle conjugue le verbe comme d’autres conjurent les démons. Armée d’un Bic, d’un manuel scolaire, et d’un acharnement quasi mystique, elle tente de sauver des élèves hagards, perdus dans l’oubli du subjonctif et les limbes de la motivation.
Ce slam en chant grégorien est à la fois hommage et satire, prière païenne et rituel de résistance. On y célèbre la prof comme on sculpte une statue en pâte à modeler dans une salle des profs trop éclairée par la fatigue. Chaque strophe martèle une réalité : celle de l’éducation comme combat, comme vocation, parfois comme supplice byzantin.
Entre humour noir et tendresse grave, *La Prof miraculeuse* explore la foi quasi religieuse qu’il faut parfois pour continuer d’enseigner — et l’ingratitude divine de certains miracles qui ne prennent pas.
Je le pressens comme une apparition dans la buée du réel : le domicile de ma mère.
Pardon, sa villa chancelante, semblable à un théâtre abandonné après la dernière représentation de Racine, est en passe de devenir une grotte miraculeuse.
Certes, elle n’est point vierge (ni de corps, ni d’esprit, ni même de commentaires dans les marges), mais elle possède cette gravité particulière de ceux qui veulent sauver le monde avec des dictées et trois trombones rouillés.
Ah ! Quelle belle incarnation du triangle pédagogique !
Une Sainte-Trinité bien à elle : le Bic, le manuel scolaire et l’acharnement pédagogique.
La grand-mère de la grammaire, prophétesse à la tribune, sauve à tour de bras !
Les élèves, hirsutes comme des prophètes sans révélation, déboulent des quatre coins de l’oubli, les cheveux en bataille et l’accent approximatif.
Ils ont tout oublié, sauf l’art d’oublier.
Mais voilà que ma sainte mère, grande prêtresse du redoublement symbolique (au sens mystique et administratif), impose ses soins salvateurs :
elle oint les ignorants d’huile de conjugaison, les asperge de règles consacrées selon les rituels de syntaxe,
et baptise les cancres à coups de fiches bristol comme on jette des pétales de papier sur les cercueils des illusions.
Miracles ? Oui.
Résurrections ? Souvent partielles.
Mais il reste les âmes damnées, ces mécréants au regard vide, qui refusent d’abjurer leur satanée procrastination.
Alors elle insiste, elle pèse, elle martèle.
Elle répète ! Ô mon Dieu, comme elle répète.
Un supplice byzantin !
Le bachotage est son chapelet, qu’elle égrène avec la patience d’un moine-soldat… muni d’une tronçonneuse.
Elle fend les marges du cahier de texte avec la foi aveugle d’un croisé au bord du burn-out.
Et tout cela dans une ambiance... Lourde. Trop lourde.
Au point qu’on se demande si sa villa ne se trouve pas à Lourdes.
Car enfin, les miracles y abondent, les pénitents aussi (sauf que chez elle, l’eau bénite a le goût du vinaigre,
et la Vierge Marie est incarnée par une prof de langues germaniques à chignon serré).
Et surtout, il faut le dire, ma mère est la voix tonitruante du salut.
Celle qu’il faut suivre sans faiblir, sous peine d’excommunication grammaticale immédiate.
Quand elle sauve, ô miracle, c’est grandeur biblique !
Il faudrait lui ériger un autel, lui consacrer un culte,
sculpter sa statue en pâte à modeler (avec une jupe en papier recyclé) dans une salle des professeurs consacrée.
Et moi ?
Moi, je suis un miraculé déserteur, un rescapé de ses essaims sacrés
(ses saints patrons, ses piqûres pédagogiques).
Je rends grâce chaque jour de ne plus goûter à ses bienfaits.
Ces hosties pleines de mots croisés et d’injonctions passives-agressives.
Son enseignement se résume en deux mots : « Tu révises. »
C’est son Évangile selon Saint Manuel, chapitre des lamentations.
Salvé, Gloria Mater !
Mais ne lui portez surtout pas d’eau bénite (elle la confondrait avec de l’eau du robinet).
Offrez-lui plutôt un bon apéritif de vin cuit bien frappé…
Ou quelques bouteilles de vin de Moselle :
c’est plus efficace, et nettement moins dogmatique
(surtout pour la faire parler. Ou beaucoup plus rarement se taire, enfin).
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